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Exploitation minière au Burkina : « Un Guichet Unique apporterait plus de transparence et d’efficacité de gestion … »
 

Antonio CORONADO SUAREZ, entrepreneur espagnol qui s’est longtemps dédié à l’achat et la vente d’or dans le passé, a déposé ses pénates au Burkina Faso il y’a de cela 4 ans où il n’hésitât pas d’investir près de 2 million d’euros dans l’exploitation minière. En voyage à Castellon, - sa ville originaire-  monsieur CORONADO a bien voulu partager son expérience des mines avec nous. C’était dans le cadre d’une rencontre d’échanges au consulat honoraire du Burkina Faso à Valence. Dans l’entretien qui suit, il nous parle de sa rencontre avec notre pays, des activités qu’il y mène, des atouts du Burkina dans la gestion des ressources minières…mais aussi de difficultés ou imperfections qui persistent toujours dans l’exploitation des mines d’or burkinabè.

Monsieur Coronado, parlez-nous de votre découverte du pays des hommes intègres et de ce qui vous a motivé à investir dans l’exploitation minière dans notre pays.

C’est par hasard que je suis entré en contact avec le Burkina. ; Un homme d’affaires burkinabè avait des difficultés pour faire entrer ses produits en Espagne. Après notre prise de contact, ce dernier m’a demandé de l’aider dans ses différentes démarches douanières. Sur cette lancée, ma curiosité allait grandissante. Du coup, je voulais connaître le Burkina Faso ; grâce aussi à ce monsieur qui m’y a encouragé. A partir de là, tout est allé très vite : une semaine plus tard, j’étais dans l’avion et j’atterrissais à Ouagadougou. Tenez-vous bien, c’est à partir de Ouagadougou que j’ai visité les autres pays de la région comme Mali, Niger, Côte d’Ivoire, Ghana, Togo, Benin, Guinée Conakry, Guinée Bissau, etc. Enfin, je peux dire que je connais l’Afrique à présent ou du moins une grande partie de l’Afrique. Mais j’avoue que parmi tous ces pays que j’ai cité, aucun d’eux n’avait la stabilité politique et structurelle qui existait au Burkina Faso ; à l’exception du Sénégal et du Mali (ndlr ; ce constat est d’il y’a 4 ans). Pour cette raison, j’ai décidé de m’établir au Burkina puis d’investir dans l’exploitation minière. Comme vous savez, seules une stabilité politique et une bonne règlementation du milieu des affaires peuvent attirer les investisseurs dans un quelconque pays.

Au jour d’aujourd’hui vous êtes considéré comme un investisseur dans l’exploitation minière au Burkina. Parlez-nous de vos activités ; où en êtes-vous exactement après 4 ans de vie et de travail au Faso ?

Vous savez, le secteur minier est un secteur très délicat qui implique beaucoup d’acteurs. En matière d’organisation de ce secteur, je peux vous dire que le Burkina est vraiment en avance sur les autres pays de la région. Au Burkina Faso par exemple, aucune licence d’exploitation n’est attribuée à la sauvette. Après la recherche géologique et s’il y’a confirmation qu’il existe de l’or sur un site, le ministère de tutelle organise une rencontre avec toutes les parties prenantes : représentants du Ministère,  maire de la localité choisie, représentants des communautés villageoises et promoteur. A l’aide des interprètes, personne n’est laissé à l’écart et tout le monde a droit à la parole. C’est à l’issue de cette rencontre et si et seulement si personne ne s’oppose au projet que s’établit un cahier de charge et le promoteur se voit attribuer une licence d’exploitation par le Ministère en question. Bien évidemment, le promoteur se compromet à respecter à la lettre ce cahier de charge et à réaliser des infrastructures d’accompagnement et des œuvres sociales. Pour revenir à votre question, je dirai que nous avons déjà franchi toutes les phases citées plus haut. Mieux, nous venons d’achever l’étape la plus importante qui est l’installation des machines d’excavation et de traitement de gravas. Maintenant, on est prêt à faire tourner les machines sur deux de nos trois sites d’exploitation.


(M. Coronado repondant aux questions du journaliste)

Dans quelles localités du Burkina se situent vos sites d’exploitation ?

Dans les régions de l’Ouest et du Centre-Ouest. Par ailleurs, nous avons aussi une licence à l’Est et au Nord où nous allons bientôt commencer la prospection.

Jusque-là, combien vous a coûté l’installation sur ces différents sites ?

Autour de 2 millions d’euros

Sans qu’un gramme d’or apparaisse en surface ?

Sans un gramme d’or. Mais cela est normal. Ce n’est pas pour rien que les privés burkinabè ne s’intéressent pas beaucoup à l’exploitation minière. Les investissements sont faramineux et les risques d’échec ne sont pas à négliger. C’est pourquoi l’investisseur étranger est assez regardant sur les facteurs comme stabilité politique, bon climat des affaires, bonnes législations en la matière. J’avoue que ce que j’ai investi au Burkina je ne l’investirais pas dans d’autres pays de la sous-région. Des pays qui semblent être mieux organisés et pourtant… Par ailleurs, le secteur minier est un secteur d’activités à long terme. Beaucoup d’hommes d’affaires burkinabè n’ont pas cette patience, préférant s’adonner à l’achat-vente ; à l’import-export de marchandises diverses - qui donne moins de soucis-  L’or réclame beaucoup d’abnégation et de patience.

A quand pensez-vous palper vos premières poussières d’or ?

Nous espérons que ce serait pour bientôt. L’important pour nous c’est de travailler dans de bonnes conditions et surtout en toute sécurité. Et le Burkina nous offre justement cette garantie. Nous avons visité d’autres pays de la région sous… escorte ou bien ce sont leurs propres forces de  l’ordre qui nous dépouillaient à chaque arrêt. Mais  pouvez-vous imaginer que durant quatre ans que nous sommes au Burkina, nous n’avons eu aucune altercation ?  Le Burkina est un pays où l’étranger se sent chez lui. A vrai dire, moi je vivrais là-bas permanemment si je n’avais pas d’enfants de bas âge.


(M. Coronado en compagnie du Consul de Valence, M. Hilario TERUEL MONTANER)

En attendant, j’imagine que vous avez créé de l’emploi dans vos zones d’exploitation minières ? Combien d’emplois au juste ?

 Evidemment nous avons créé des emplois multiples et diversifiés. Allant des ingénieurs géologues jusqu’au dernier ouvrier sans qualification. Ce sont 140 emplois permanents que nous avons donné aux burkinabè en plus de quatre expatriés. 140 personnes ce n’est peut-être pas beaucoup mais vu la taille actuelle de notre société, on ne peut pas faire plus que ça pour l’instant. Mais nous sommes très optimistes et nous pensons augmenter progressivement le nombre de personnel, maintenant que le vrai travail va commencer !

Comment vivez-vous cette fièvre de l’or au Burkina Faso ?

La fièvre de l’or n’est pas Burkinabè, mais plutôt mondiale. Le problème c’est que le burkinabè ne prête pas une attention particulière à ce qu’il possède. Comme je vous disais avant, le burkinabè préfère faire du commerce au lieu d’investir à long terme. Il préfère vendre pour avoir du cash en un clin d’œil. Je ne condamne pas cette façon d’agir ; c’est juste une méthode différente de travailler.

Que souhaiteriez-vous dire de plus pour terminer cet entretien ?

Je dirai qu’il n’est un secret pour personne que le Burkina est à la recherche d’investisseurs ; cela est désormais connu un peu partout dans le monde. Cependant, le pays doit être un peu plus regardant envers ceux des investisseurs qui sont déjà sur le terrain au Burkina Faso. Nous autre n’avons pas attendu la SCADD (NDLR : Stratégie de Croissance Accélérée et de Développement Durable) pour être au Burkina. Il s’agit de rendre plus souple, efficace et rapide toutes nos démarches administratives.  Par exemple au niveau du secteur minier que je maîtrise, l’État devrait penser à l’instauration du guichet unique qui apporterait plus d’efficacité, d’efficience et beaucoup plus de transparence dans la gestion. Cela nous éviterait de perdre beaucoup de temps, d’énergie et même de l’argent parfois. Et tout le monde y gagnerait ; en commençant par l’État lui-même.

A part cela, je crois qu’il y’a de plus en plus de dynamisme dans le monde des affaires au Burkina. En réalité il y’a trop de bonnes affaires ; je vous cite sans bien réfléchir, deux activités qui promettent au Burkina : d’abord la vente ou location de tout ce qui est véhicule ou machine utilisés dans le BTP ;  ou encore tout simplement un bon service de  radio-taxi avec bien sûr, de véhicules neufs ou semi-neufs. Ça peut rapporter beaucoup d’argent ! Ce sont là deux pistes parmi tant d’autres…

Comptez-vous donc diversifier vos activités au Burkina si votre affaire d’or venait à bien marcher?

Ça, on verra plus tard ; l’exploitation de mine est une activité tellement harassante qu’on n’a même pas le temps de penser à autre chose…mais il suffit de mettre les pieds à Ouaga pour se rendre compte des multiples opportunités.

 Bon retour au pays des hommes intègres !

Merci beaucoup monsieur Zongo. Vous serez bienvenu chez moi à Banfora.

Roland Zongo Sanou
Lefaso.net (correspondant en Espagne)