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L’escale très politique de Nestorine Sangaré à Paris
 
Après avoir participé aux travaux de la Commission de la condition de la femme de l’ONU à NewYork, la ministre burkinabè de la Promotion de la femme et du Genre a fait un escale à Paris où elle a eu de nombreux entretiens politiques.

Sur la route du retour de New-York où elle a participé aux travaux de la 57e session de la Commission de la condition de la femme de l’ONU consacrés à « l’élimination et la prévention de toutes les formes de violences à l’égard des femmes et des filles » qui se sont déroulés du 4 au 15 mars, la ministre burkinabè de la Promotion de la femme et du Genre (MPG), Nestorine Sangaré a fait une escale de 5 jours à Paris. Dans la capitale française, elle a participé le 20 mars au Forum mondial des femmes francophones qui a réuni plus 400 femmes venues des quatre continents, toutes engagées dans la lutte pour le respect des droits fondamentaux des femmes. Auparavant, elle a eu une rencontre d’échange avec Nicole Ameline, députée UMP du Calvados, ancienne ministre de la Formation professionnelle et présidente du Comité de suivi de la mise en œuvre de la Convention sur l’Elimination de toutes les formes de violences à l’Egard des femmes. D’après l’élue UMP, “le vrai problème des femmes n’est pas le manque de textes juridiques visant à les protéger, mais la non effectivité de l’application de ces textes”. Tout en se réjouissant des acquis obtenus par les femmes françaises ces dernières années dans l’accès aux postes décisionnels, elle a déploré l’impact négatif de la crise financière qui replonge plusieurs femmes dans la précarité de l’emploi et la vulnérabilité. Une situation qui, selon elle « appelle une nouvelle mobilisation des femmes, en particulier les jeunes filles, pour défendre et protéger leurs droits fondamentaux ».

Abordant le cas spécifique du Burkina Faso, celle qui a examiné en 2010 à Genève, le sixième rapport sur la situation des femmes, a salué les efforts fournis par l’état burkinabè tout en regrettant la persistance des mariages forcés et précoces, de l’excision et l’inexistence d’une loi spécifique contre le viol ou le harcèlement sexuel. A son tour, la ministre burkinabè a fait un exposé sur les acquis et les initiatives pris par le gouvernement visant à mieux assurer les droits des femmes comme l’adoption d’une loi sur le quota pour favoriser une plus grande présence des femmes sur les listes électorales, même si les résultats des dernières élections sont décevants. La ministre a aussi fait cas du manque de données exhaustives sur la prévalence des violences faites aux femmes et aux filles, d’où la nécessité de lancer une étude visant à collecter des données de base sur l’état des lieux des violences faites aux femmes et aux filles au Burkina Faso. Dans la perspective de l’élaboration du septième rapport de mise en œuvre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF), Nestorine Sangaré a émis le vœux de pouvoir partager des expériences sur la démarche méthodologique de production des rapports pays. Nicole Ameline s’est engagée à soumettre ce vœu lors des journées de la coopération qui devaient se tenir dans les prochaines semaines.

Le lendemain 21 mars dans la matinée, Nestorine Sangaré a été reçue en visite de courtoisie par son homologue française, Najat-Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes et porte-parole du gouvernement qui était assistée de sa conseillère diplomatique et juridique, Patrizianna Sparacino-Thiellay.

Les deux ministres ont eu des échanges sur les politiques respectives mises en place pour garantir les droits des femmes et manifesté le souhait de renforcer les liens de coopération à travers notamment le partage de textes et les stratégies pour sensibiliser les autres ministères sur le respect des droits de la femme. « Dans chaque ministère, nous avons un haut fonctionnaire chargé de l’égalité homme/femme », a expliqué Najat-Vallaud-Belkacem, précisant qu’une étude sur la prévalence des violences faites aux femmes, commandée à l’Institut national des études démographiques (INED) était en cours mais, « afin de mieux orienter notre politique de soutien aux femmes ». Najat-Vallaud Belkacem a ensuite brièvement rappelé les grandes orientations de la politique du gouvernement français en matière de droits des femmes. Elle considère qu’après la deuxième guerre mondiale, notamment dans les années 70, la France a réussi à faire adopter des droits juridiques, économiques et sociaux au profit des femmes. A présent, il s’agit de promouvoir ce qu’elle appelle “une troisième génération de droits des femmes” focalisés sur le renforcement de l’application des lois existantes, ce qui ne sera possible sans un changement de mentalités. Dans cette optique, elle prône l’apprentissage de l’égalité entre les sexes aux enfants dès leur plus jeune âge, c’est-à-dire son inclusion dans les contenus scolaires. Cet apprentissage de l’égalité entre les sexes à l’école pourrait favoriser une meilleure appropriation des tâches entre les hommes et les femmes à l’âge adulte. La ministre française a indiqué que l’action du gouvernement s’inscrit également dans « une diplomatie des droits des femmes », faisant des droits des femmes une question prioritaire dans le cadre de la coopération internationale. A ce titre, elle s’inquiète de l’incidence négative du printemps arabe sur les droits des femmes dans le Maghreb, comme en Tunisie et en Egypte et estime que la religion et le relativisme culturel ne doivent pas être des prétextes pour masquer ou justifier les violations flagrantes et continues des droits des femmes.

Par ailleurs, tout en saluant l’adoption du premier plan d’action francophone de lutte contre les violences faites aux femmes par l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), Najat-Vallaud Belkacem a insisté pour que désormais la défense des droits des femmes devienne une réalité dans l’espace francophone. Le prochain sommet de la francophonie, prévu à Dakar en fin d’année, sera une tribune pour débattre de cette situation et inciter les gouvernements à prendre des engagements fermes sur la question.

Prenant la parole, Nestorien Sangaré a aussi fait le point sur la politique menée au Burkina. Sur la sensibilisation aux droits des femmes, elle a informé son homologue qu’une « cellule Genre » est créée dans chaque ministère et institution, chargée de veiller à la prise en compte du Genre dans les projets et programmes. Elle a ensuite mentionné les acquis et activités récents de son département : Le changement de dénomination du ministère, devenue Ministère de la Promotion de la femme et du Genre, l’opération « Une femme, un acte de naissance » visant à donner un acte de naissance aux femmes qui en sont privées. « Il y a plus de 5 millions de personnes, dont 40,1% de femmes qui n’ont pas d’acte de naissance dans notre pays ; notre objectif cette année est de recenser au moins 2 millions de femmes qui n’en ont pas », a expliqué la ministre burkinabè. Or, sans acte de naissance, il leur est impossible d’avoir une carte nationale d’identité, une carte d’électeur et de contracter un prêt. Nestorine Sangaré a informé sa collègue française que son ministère a déjà bénéficié du soutien en équipements de l’ambassade de France à Ouagadougou lors des opérations d’enrôlement en vue des élections de décembre dernier, et de 540 000 euros pour l’exécution des programmes de lutte contre les grossesses non désirées. Elle souhaite une révision du code de la famille, en particulier le point relatif au mariage précoce et l’intensification de la politique d’éducation à la santé, à la sécurité surtout à l’endroit des réfugiées maliennes au Burkina. Le MPFG envisage également réaliser une étude de base sur les violences faites aux femmes et aux filles au Burkina Faso, faire voter une loi sur l’égalité entre les sexes suite à la constitutionnalisation du Genre et renforcer l’appui à l’entreprenariat féminin et l’autonomisation économique des femmes.

Prenant congé de son hôte, la ministre française a manifesté l’intérêt d’avoir plus d’informations sur l’expérience du Burkina Faso en matière de Genre et développement. Nestorine Sangaré, qui est avant tout une spécialiste du Genre, l’a donc invitée au Burkina Faso pour une visite de travail dont la date et le contenu seront convenus de commun accord.

Avant de prendre son avion pour le Burkina, la ministre burkinabè de la Promotion de la femme et du Genre a rencontré le 22 mars dans la matinée le directeur de la Coopération française, M. Blelliard, une occasion de partager les réflexions sur les droits sociaux, économiques, politiques, culturels des femmes. Les échanges ont surtout porté sur la possibilité d’élaborer un programme d’appui pour la prise en compte du genre dans la formation professionnelle des agents des collectivités, ce qui favorisera la création d’emplois pour les femmes.

Le volontarisme de la ministre burkinabè de la Promotion de la femme et du Genre (MPFG) se heurte toutefois à l’indigence des moyens mis à la disposition de son département. On a l’étrange sentiment que la cause des femmes ne dépasse guère les discours et autres proclamations de foi. Le budget qui est alloué au MPFG par l’état- 350 millions de F CFA- représente 0,005% du budget national, quand d’autres en captent 15 à 18%. « 0,005%, c’est déjà un progrès, avant, c’était 0,001 ! », fait remarquer la ministre Nestorine Sangaré.

Joachim Vokouma, Lefaso.net (France)