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Affaire Norbert Zongo, 16 ans après : A bâtons rompus avec la mère du journaliste assassiné

Augustine Zongo née Nana est la génitrice de Norbert Zongo ; celui-là même dont la presse burkinabè pleure la disparition tragique, il y a de cela plus de 16 ans. Jusqu’à ce jour, Augustine Zongo, 88 ans, dit être en deuil. Un deuil qui ne l’empêche pas de développer et de partager son point de vue sur ces évènements de fin octobre 2014 ayant conduit à la démission forcée du Président Compaoré. Rencontre…

Samedi 10 janvier 2015. Il est 12h45 mn à Yissouka, au secteur 6 de Koudougou. Et nous voilà à l’entrée de la grande cour familiale de feu Norbert Zongo. A l’intérieur, sont érigées quatre maisons dont une mini-villa en finition, que le cadet de la famille a fait bâtir pour sa mère Augustine Zongo. « C’est un peu plus spacieux que là où elle dort actuellement », précise fièrement Robert Zongo qui nous a accueillis dans la grande famille Zongo.

Assise sur un banc déposé sous la véranda, la vieille Augustine Zongo/Nana est en causette avec sa fille et une visiteuse. Une causerie qu’elle a dû interrompre pour répondre à nos questions en nous rassurant d’abord qu’elle se porte bien malgré son âge, même si elle reconnaît que ses forces physiques s’amenuisent chaque jour. « Je suis quelque fois malade », avoue-t-elle. Avant de nous rassurer qu’elle bénéficie d’un bon suivi médical grâce à ses enfants qui, d’après elle, sont toujours à ses petits soins.

16 ans après la mort tragique de son fils aîné, Norbert Zongo, Augustine Zongo/Nana ne peut s’empêcher de penser à son défunt fils : « Très souvent je demande des messes pour le repos de son âme ainsi que celles des autres défunts de la famille », nous confie-telle. Robert Zongo, précise que chaque 12 décembre, la famille organise une veillée de prière pour le repos de l’âme de Norbert.

« Je n’ai jamais accepté un soutien quelconque »

Après le procès sur l’affaire David Ouédraogo, la famille de cette autre victime a été indemnisée. Mais la mère de Norbert Zongo, elle, reconnaît fièrement avoir décliné toutes les propositions d’argent ou de quelques biens matériels en compensation à ce qui est arrivé le 13 décembre 1998. « Ils sont venus me voir avec une enveloppe d’argent », se souvient-elle encore. Mais, poursuit-elle, « Je ne prendrai jamais de l’argent de qui que ce soit en compensation de la mort de mon fils Norbert. Jamais ! ».

Augustine, la mère du journaliste assassiné reconnaît avoir reçu des professions de repentance de la part de dignitaires du régime de Blaise Compaoré. « A quoi bon demander pardon pour un acte que l’on ne reconnaît pas avoir commis ? », questionne-t-elle. « Je mourrai sans pardonner tant que les coupables n’auront pas avoué leur forfait », prévient-elle.

Une messe pour les évènements des 30 et 31 octobre

Dame Augustine dit avoir suivi de près les évènements qui ont entrainé la chute du régime Compaoré. « J’ai prié Dieu afin qu’il protège ceux qui luttent pour la libération du Burkina. J’ai appris plus tard qu’il y a eu des victimes. J’ai une pensée pieuse à leur endroit. Que Dieu les reçoive dans son royaume », souhaite-t-elle. Sa joie, elle ne la cache pas par rapport aux évolutions que connaît depuis novembre le dossier Norbert Zongo. Ses relations avec le Collectif qui défend le dossier sont toujours au beau fixe à l’en croire. Elle dit recevoir permanemment la visite du président de la Confédération générale des travailleurs du Burkina/section Boulkiemdé.

Une seule visite de la tombe de Norbert !

La génitrice de Norbert Zongo souligne n’avoir visité la tombe du défunt journaliste qu’une seule fois, en 2006. Ce jour, se rappelle Robert, elle a été vraiment courageuse. Du cimetière de Gounghin, on l’a amenée au Centre de presse Norbert Zongo pour lui expliquer le sens de la lampe allumée. Et juste après, elle a repris la direction de Koudougou après avoir refusé de mettre les pieds au domicile de Norbert. Elle se console aujourd’hui de la survie du journal l’Indépendant et du ranch de Norbert dont les revenus font vivre la famille.

La grand-mère de 15 petits fils n’exclut pas toute idée de pardon suite à l’assassinat de son fils, il y a plus de 16, pour peu que les auteurs du crime se repentent. Car, « le mal est déjà fait. Et ce n’est pas le pardon qui ressuscitera Norbert », philosophe-t-elle.

Bassératou KINDO
Lefaso.net