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« De nos jours, c’est seulement par un changement de pensée que les politiques pourraient apporter leur contribution avec plus d’éclat », dixit Pr. Kambiré
A l’approche de chaque élection en Espagne, il est de coutume qu’un politologue donne le coup de départ à travers une analyse sans complaisance de l’ensemble de la classe politique. Si au Burkina Faso nous serons invités dans les joutes électorales en octobre prochain, au Royaume d’Espagne les élections autonomiques qui ont déjà eu lieu en Andalousie le 22 mars dernier se poursuivront durant l’année 2015.

Au niveau fédéral (l’Espagne est divisé en des Etats fédéraux ou autonomes) et municipal en attendant novembre pour élire le chef du gouvernement ou premier ministre. Pour faire honneur à la tradition, cette année le choix est tombé sur notre confrère Dondomè-ib-lè Michel-Ange Kambiré Somda, professeur de sciences politiques et de droit public à l’université Pablo de Olavide à Séville (Andalousie). Cela remplit d’orgueil la communauté burkinabè dans le Royaume d’Espagne, car sa tribune publiée dans le journal « DIARIO DE SEVILLA » dans sa parution du 03/03/2015 a eu tant de levée de poudre que nous avons jugé bon de faire écho de ce fait unique au terroir.
Dans les lignes qui suivent, nous vous livrons en français son brillant article si bien rendu en espagnol (langue qu’il utilise à merveille depuis plus de deux décennies). Au demeurant et à celles et ceux qui vont le lire, nous demandons clémence et indulgence, car il s’agit d’ « unir sans diviser, et diviser sans séparer », comme nous l’enseigne Rabindranath Tagore (1921). En attendant de revenir sur son portrait détaillé, lisez le Professeur car le contexte (élections) reste le même ici ou là-bas. Lisez plutôt !

Le 26 juin dernier, nous nous réveillions avec une information transcendante ; l’abdication du Roi Juan Carlos Ier. D’abdications, il y en a eues déjà dans le passé et en ce 21ème siècle, Don Juan Carlos a suivi les pas des monarques d’Hollande, de la Belgique, pour ne citer que ces cas les plus récents. La nouveauté dans l’abdication du Roi Juan Carlos se perçoit surtout dans son discours mettant fin à son règne : « de nos jours, il faut faire place à une nouvelle génération décidée à entreprendre l’innovation avec détermination, les transformations et réformes exigées par la conjoncture actuelle, mérite d’être placée en première ligne ». Ajoutons à la déclaration du monarque espagnol cet adage : « quatre yeux voient mieux que deux » ; ou encore cet illustre verset de Saint Marc : « personne non plus ne met du vin nouveau dans des outres vieilles ; autrement, le vin fera éclater les outres, et le vin est perdu aussi bien que les outres. Mais du vin nouveau dans des outres neuves ! » (Mc 2,18-22).
Admettons comme substrat, la nécessité d’un changement générationnel sans ambages au niveau de toutes les sphères politiques. De nos jours, c’est seulement par un changement de pensée que les politiques pourraient apporter leur contribution avec plus d’éclat ; tout comme jadis au temps de Socrate et Aristote en passant par l’homme de la Renaissance Érasme de Rotterdam, Montesquieu, Tocqueville et autres pères de la politique et gestion de la chose publique. Même les postes de responsabilité publique appelés sempiternels tels papal, monarchiques ou autres formes héritées du passé, expérimentent cette alternance à différents niveaux en cas d’essoufflement ou de déphasage.
Les charges publiques sont à la portée de tout le monde ; alors la chose publique n’est point la panacée d’un individu car elle est exercée par une personne et transcende vers tout le monde. Par conséquent, nous devons prendre la chose publique comme une affaire de tous, propre à nous et y veiller avec tendresse, affection et amour tout en tenant compte de la responsabilité sociale qui y est inhérente. Le fait que les prévarications soient monnaies courantes ainsi que la corruption, rien ne sert par exemple de tergiverser, jetant l’opprobre aux moments des transactions financières et autres contrats publics licités de façon disproportionnée. Rappelons ce proverbe africain qui nous enseigne que « par la faute d’un seul âne, toutes les générations d’ânes ont la gueule blanche ». Sauf que la pédagogie veuille aussi que des cas avérés de corruption doivent recevoir un traitement des plus diligents pour ne courir le risque de décoller pour n’atterrir à aucun endroit.
Après l’abdication du Roi en Espagne, quelques dirigeants politiques suivirent ses pas sans tarder : Rubalcaba du PSOE (gauche socialiste) cédât sa place à Pedro Sanchez ; Cayo LARA (Gauche Unie. Ndlr, extrême) fît de même et a été remplacée par Alberto Garzon et ce n’est pas tout ; autres changements aux sommets de la classe politique espagnole se produiraient durant toute l’année 2015.
Espérons que l’appel du déçu Monarque espagnol soit une réalité à tous les niveaux de la citoyenneté ou sévissent les organes publics de gouvernement. La politique ou l’activité politique en elle-même laisse une vision panachée dans sa propre définition. C’est pourquoi, pour ne pas se perdre dans des élucubrations oiseuses, choisissons la définition donnée par les français : « la politique est l’art de la ruse et de l’hypocrisie ». De cette définition, il faut retenir que celui qui aspire à exercer l’art politique devrait être astucieux et hypocrite ou au moins, il devrait avoir un brin d’hypocrisie et d’astuce pour atteindre les objectifs de paix et de justice, de tolérance, de cohésion et de bien-être.
Vu que le pouvoir tend à se corrompre lui-même comme tout humain, l’astuce utilisée pour rechercher l’unité, la cohésion, la paix ou le bien-être social, tend à s’adultérer cherchant seulement des intérêts partisans ou individuels. C’est ainsi qu’arrive des moments de contradiction entre ce qu’on dit et ce qu’on fait. Il convient toujours de limiter les périodes et les mandants au pouvoir tout en promouvant une rénovation systématique et une alternance effective.
Ainsi, en ces moments de « vin nouveau, outres neuves », il nous paraît opportun et nécessaire que dans cette projection du futur qui est déjà présent, les acteurs politiques comprennent que personne ne devrait s’approprier d’un poste ad vitam. Dans la démocratie, les règles du jeu sont sous-entendues et des politologues comme Yves Charles Zarka (2010, Université de la Sorbonne, Paris) ou plus près de nous, Ramon Soriano et Carlos Alarcon (2004 et 2014, Université Pablo de Olavide –UPO-, Séville) argumentent que la démocratie telle que idéalisée il y’a bien des siècles, nécessiterait des outres neuves.
D’une façon ou d’une autre, aussi bien la démocratie que la politique en général aurait besoin de souffles nouveaux dans ce monde à la fois local et global. Avec les TIC (ndlr ; technologie de l’information et de la communication) en vogue et aussi mutantes, il vaut mieux avancer avec boussole en main, tout en s’adaptant à la réalité historique du moment et ses exigences de transformation. En plus, nous sommes désormais conscients que dans cette démocratie en crise aujourd’hui, des dirigeants et pas des moindres, ont profité du système. Surtout des gouvernants des pays en voie de développement qui s’adonnent à tout type d’abus comme s’il y’aurait des endroits sur cette planète où rien de bon ne peut sortir. Empruntant Nathanaël au temps de Jésus qui demandait à Philippe : « De Nazareth peut-il sortir quelque chose de bon ? » (Jn 1, 46), l’histoire et les faits historiques nous ont démontré que de Nazareth est sorti un grand révolutionnaire qui changeât le cours de l’histoire en Jésus Christ, Jésus de Nazareth.
De façon similaire, en pensant à un monde meilleur et plus solidaire, bien avant l’Europe démocratique, c’est l’Union Africaine (UA) qui adoptât une feuille de route lors son sommet des chefs d’États du 30 janvier 2007 (in. Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, Addis Abeba 2007). Dans cette charte, il est prôné la limitation de mandats des chefs d’État à deux consécutifs ; et en même temps on mettait fin à tout type de coups d’État. Ce qui rendit célèbre ce vieux continent découvert par le portugais Vasco de Gama en 1492. Cependant, l’arbre ne pourrait cacher la forêt quand on sait que l’U.A. s’applique avec nonchalance lorsqu’il s’agit de rappeler à l’ordre un chef d’État qui se croirait indispensable. Pendant ce temps, c’est l’Afro-pessimisme qui prend des galons.
2015 étant une année d’élections tous azimuts, il n’est pas de trop de rappeler que le pouvoir ne s’exerce pas seulement avec astuce ambivalente et hypocrisie ; mais aussi avec fierté et « cran ». Par conséquent, les personnes qui se sentiraient essoufflées ou au bord de l’effondrement, doivent accepter de rendre le tablier à une génération décidée à innover. Il n’y a de pire en cécité qu’un aveugle qui ne veut pas voir ; et le jeu d’astuce et d’hypocrisie en politique est un couteau à double tranchant. Ceux ou celles qui savent l’utiliser en tirent des bénéfices ; mais les insensés finissent toujours par creuser leur propre tombe avec leurs dents !

Prof. Dr. Michel Ange KAMBIRE SOMDA
Professeur Agrégé en Sciences Politiques
Departamento de Derecho Público
UNIVERSIDAD PABLO DE OLAVIDE (SEVILLA)
Membre du LIPPO (Laboratoire des Idées en Pratiques Politiques) appartenant à l’université de Harvard (USA) /ndlr : un organe de prestige qui sert de baromètre de la politique politicienne au niveau international

Lefaso.net
Retranscrit en Français par :
Roland ZONGO SANOU, correspondant en Espagne