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Burkina- Espagne : La « vérité » des rentiers de la politique
 Dans un article paru récemment dans le journal espagnol « El Diario de Sevilla», le Pr. Dondomè-ib-lè Michel-Ange Kambiré a publié un article sur l’exercice de la démocratie dans nos sociétés modernes. Il entendait provoquer une réflexion sur la problématique des élections et l’expression de la citoyenneté avec ce que cela comporte parfois comme différends et tripatouillages.. Nous reprenons son écrit en français, pensant que le contexte reste le même, qu’il s’agisse du Burkina ou de l’Espagne. L’Espagne a voté ses représentants au parlement pendant que le Burkina choisissait ses élus locaux. Lisez plutôt !

Comme membre de la communauté éducative, à l’instar d’un éclaireur qui guide ses louveteaux, je voudrais apporter mon « grain de sable » pour provoquer la réflexion citoyenne et surtout, amener les personnes qui font de la politique leur moyen de subsistance, à faire leur introspection. Cette diatribe s’attaque au mensonge, fer de lance de bon nombre de personnalités politiques. Notre monde est en pleine ébullition et à la crise économique s’ajoute une crise tous azimuts de valeurs cardinales…
Les acteurs des classes politiques ont fait siens ce slogan : « Surtout n’arrêtes pas de mentir, car on finira par y croire un peu... » Mais attention ! Car ce dicton populaire nous ramène à cet autre assez sublime : “le mensonge a les jambes courtes ». De cette même sagesse populaire il convient de rappeler que la vérité s’exprime de différentes manières. Lorsque quelqu’un tente d’impressionner son ou ses interlocuteurs avec des mots, qu’il sache que plus il en dit, plus il est vulnérable et moins il aura le contrôle de la situation. Par contre même une simple banalité pourrait paraître une idée originale si elle est exprimée de façon désinvolte, ouverte et énigmatique. Le grand érudit et sage Platon (-428 à -348 av. JC), à propos, dans son « Livre III » in La République (Ed. Les Belles Lettres, Paris, 2002), condamne sans précédent le mensonge en politique, aussi reconnait-il que « le mensonge doit être interdit dans la cité ».

“Pour un ministre il est plus préjudiciable de dire des bêtises que de les commettre », disait le Cardinal de Retz (1613-1679). En filigrane, on pourrait dire qu’en politique, celle ou celui qui est coupable doit assumer les conséquences. Sous plusieurs regards, la politique est perçue comme un jeu d’apparences ; alors, lorsqu’une personnalité politique parle moins, elle paraît inévitablement plus grande et plus puissante qu’elle ne l’est en réalité. Son silence rend incommode les autres. L’être humain étant une machine qui interprète et explique continuellement, l’homme politique s’efforcerait donc à ce que les autres ne puissent deviner ses intentions ni la signification réelle de ses manifestations.

Jésus de Nazareth, le grand politologue de tous les temps, n’hésitât pas à choisir LA VÉRITÉ comme le meilleur chemin à suivre et cette vérité, selon ses propres paroles, c’est ce qui rend libre : « et la vérité vous rendra libres » (Jn 8,32). En politique, la transparence et l’intégrité puis le fait d’avoir les mains propres sont louables. Aussi est-il vrai que la politique est un jeu d’astuces, au bon sens du terme.
La carte politique en général est teintée de corruption et de corrompus. La corruption ne fait qu’entailler la citoyenneté ; cela dénote la faible appréciation de l’exercice politique par les populations. Et pourtant à l’origine la politique était réservée (du moins théoriquement) aux gens honnêtes, aux érudits, intrépides et aux intègres ; mettant plutôt en avant l’intérêt du bien commun.

De nos jours la fonction politique a besoin d’une profonde rénovation ; par conséquent celles ou ceux qui ont un faible pour la chose devraient être des personnes cohérentes et honnêtes. Cela paraît utopique mais en réalité il n’y a rien d’insensé, c’est bien possible. En politique, il est inévitable de commettre des erreurs de temps en temps car le monde même est ainsi fait : imprévisible. Cependant, les personnalités politiques ou les personnalités puissantes ne tombent pas pour leurs fautes commises mais pour la manière dont elles s’y prennent. Tout comme un chirurgien, les politiciens doivent extirper une tumeur de façon rapide et définitive. Les excuses et regrets ne sont que des armes contondantes pour une opération aussi délicate ; les hommes politiques devraient plutôt les éviter coûte que coûte.

En plus une faute ne se paie pas avec de simples excuses mais devrait s’assumer par des actions comme la démission, le paiement ou la restitution de l’objet de la discorde. A mode illustratif, nous avons le cas du Général de l’Empire Han en Chine qui vécut au deuxième siècle de notre ère et qui paya de sa vie ses erreurs politiques. Avant sa décapitation, il proféra la phrase suivante : « Je préférais tromper tout le monde que tout le monde me trompa » (Ts’ao Ts’ao 155-200). En fut-il de même dans l’œuvre de Nicolas Machiavel, Le Prince -(Ed. Livre de Poche, Paris, 2012, 84-85)- narrant l’épisode du duc César Borgia qui fit éliminer Remirro d’Orca, lieutenant de Romagne. Notons que le cas d’Orca est un exemple de rhubarbe purgative, chose qui de nos jours est tombée en désuétude face aux erreurs politiques.

A propos de l’environnement par exemple, l’Union Européenne est très exigeante sur le sujet : « celui qui contamine doit payer » comme dit plus haut. « Celui qui faute en politique devrait payer » ; c’est-à-dire assumer les conséquences de ses erreurs. Les excuses ne satisfont personne et incommodent tout le monde. L’erreur ne disparaît pas avec l’excuse ; elle est juste intériorisée mais demeure dans les pensées. C’est pourquoi en politique tout comme en médecine, le mieux que l’on puisse faire c’est d’extirper dans l’immédiat celles ou ceux-là qui commettent des fautes assez graves dans leur gestion de la chose publique. En claire, les citoyennes et citoyens ont besoin de nos jours d’une régénérescence politique avec des personnes compétentes, cohérentes et honnêtes.

Dondomè-ib-lè Michel Ange Kambiré
Est membre du Laboratoire d’idées et Pratiques Politiques- LIPPO
Université Pablo de Olavide (UPO), Séville ESPAGNE.

Article original in. « Diario de Sevilla » Traduit et retranscrit par Roland ZONGO SANOU, Correspondant en Espagne de Lefaso.net
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