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Laure Zongo : « Toute exploitation abusive de l’image de la femme doit être condamnée »
 
Laure Zongo, ministre burkinabè de la Femme, de la Solidarité nationale et de la Famille, en août 2016. © DR
Laure Zongo, la ministre burkinabè de la Femme, de la Solidarité nationale et de la Famille, a annulé fin août le concours Miss "Bim Bim" destiné à élire la femme au plus gros postérieur. Selon elle, cette décision, qui a été motivée par des considérations d'ordre éthique, s'inscrit dans une démarche globale du gouvernement décidé à promouvoir les bonnes mœurs. Interview.

La troisième édition du concours Miss « Bim Bim » élisant habituellement la femme au plus gros postérieur a été annulé fin août sur décision de la ministre burkinabè de la Femme, de la Solidarité nationale et de la Famille. Alors que les organisateurs affirmaient vouloir « promouvoir une image positive du corps de la femme africaine », Laure Zongo y déplorait plutôt une attitude sexiste dévalorisant la femme.

Pour justifier sa décision, la ministre se réfère aux affiches dont « le contenu particulièrement explicite sur la nature de l’événement » est choquant pour l’opinion nationale. Laure Zongo estime donc que le gouvernement n’avait dès lors autre choix que de réagir en annulant le spectacle.

Jeune Afrique : pourquoi avez-vous décidé de l’annulation du concours Miss «Bim Bim»?

Laure Zongo : Nous avons souhaité l’annulation dudit concours parce que nous avons été interpellés sur les réseaux sociaux, nous avons même reçu des appels téléphoniques attirant notre attention sur les spots publicitaires et les affiches relatives au défilé qui portait atteinte à l’image de la femme, à son intégrité. Lorsque nous avons pris connaissance des affiches en question, nous avons discuté avec les promoteurs de l’activité et il s’est avéré qu’un recadrage était nécessaire.

Les mentalités et les comportements sont fonction des préoccupations du moment
Il ne s’agit pourtant pas d’un concept nouveau. Ce genre de concours existe sous différentes formes et appellations dans d’autres pays de la sous-région. Et Miss « Bim Bim » au Burkina en était à sa 3e édition…


Effectivement. Mais nous n’avions pas connaissance des deux dernières éditions. En ce qui nous concerne, nous venons toute juste de découvrir ce concours et avec l’ampleur des interpellations et des critiques qu’il a suscitées, il était aussi de notre devoir de nous prononcer là-dessus.

Pourquoi ne pas simplement supprimer tous les concours de « Miss » puisqu’on entend aussi des critiques sur le concept de l’événement lui-même, que certains trouvent dégradant pour l’image de la femme ?

C’est un point de vue relatif. Nous sommes dans une société où les mentalités et les comportements sont fonction des préoccupations du moment. De ce fait, ce qui était, hier, apprécié peut ne pas l’être aujourd’hui. Et c’est vrai que le Burkina Faso, à l’instar d’autres pays, est submergé d’une panoplie de concours magnifiant la femme sous diverses formes mais toute dénaturation négative de l’image de la femme ou toute exploitation abusive de cette image visant à dévaloriser la femme doit être condamnée.

Les organisateurs, eux, estiment qu’il ne s’agit pas, contrairement à ce que beaucoup affirment, d’une dégradation de l’image de la femme. Ce concours visait, selon eux, à encourager les femmes de forte corpulence à s’aimer et à s’apprécier comme telle. Qu’en pensez-vous ?

Au cours des concertations avec les organisateurs, ils ont indiqué qu’ils souhaitaient décomplexer la femme de forte corpulence. Mais, en parcourant les différentes affiches et spots publicitaires, ce n’est pas l’impression que nous avons eue. Nous pensons que si tel était leur souhait, ils auraient pu envisager un partenariat avec des stylistes pour créer des modèles adaptés que ces femmes auraient pu porter lors de leur défilé en vue de se mettre en valeur. À notre avis, c’est par là qu’il fallait commencer.

Les femmes doivent respecter leur corps pour donner l’exemple aux futures générations
En juillet dernier, le gouvernement avait déjà annulé un concert de l’artiste camerounais Franko, auteur de la célèbre chanson « Coller la petite ». Cette mesure s’inscrit-elle dans le cadre d’une politique globale du gouvernement ?


Il y a une vision gouvernementale qui est la promotion et la protection des bonnes mœurs et des droits de la femme. Des textes et des lois ont été adoptés dans ce sens. Toutes nos actions s’inscrivent donc dans cette démarche globale visant à protéger et à promouvoir les droits et la dignité de la femme.

Pensez-vous que les mesures d’interdiction sont réellement efficaces ? Sur quel autre aspect, le gouvernement devrait-il agir ?

Les interdictions peuvent parfois ne pas être efficaces. C’est pourquoi, nous mettons beaucoup l’accent sur les actions de sensibilisation. Nous avons par exemple interpellé les organes de régulation pour plus de vigilance dans l’exercice de leur profession. Nos actions s’adressent aussi aux femmes qui sont les premières concernées parce qu’elles doivent se respecter et respecter leur corps pour donner l’exemple aux futures générations. Je pense que si nous conjuguons ensemble nos efforts avec tous les acteurs, nous pourrons atteindre nos objectifs de protection et de promotion des bonnes mœurs.

Rodrigue Tagnan
Source: JEUNE AFRIQUE