Le Burkina Faso vu d’Espagne (3/3) : « Nous ne voulons plus de charité…mais des solutions définitives »
Nous terminons avec la série de reportage de notre consœur espagnole du journal LA VANGUARDIA, en vous proposant sa rencontre avec les habitants d’un autre village du nord du Burkina. Ses habitants, tous agriculteurs, vivent dans la peur constante de la faim mais ne veulent pas pour autant croire en la fatalité. Ils font ce qu’ils peuvent pour vivre, pour survivre. Même si bien des fois la nature leur imposent la sécheresse, réduisant au néant tant d’efforts physiques. Mais qu’à cela ne tienne, les gens de Fanka savent qu’ils ont le droit de réclamer plus d’égard à leur endroit ; et ils ne s’en privent pas à la première occasion venue. La journaliste Rosa Bosch a eu le plaisir de partager une tranche de vie avec ces braves femmes et hommes du Burkina ; des burkinabè. Mais sont-ce des burkinabè qui sirotent leur bière à longueur de journée ? Ou plutôt des burkinabè qui ne savent pas quel temps il fait au dehors ? Peut-être qu’il est temps que ces burkinabè sachent que d’autres burkinabè ne savent pas quoi dîner ce soir ; pas faute de ne pas chercher ! Bonne lecture.
Suzanne Ouédraogo, 55 ans, est une experte dans la préparation du tô ; l’unique plat que peuvent se permettre les habitants de Fanka, comme dans la majorité des villages au nord du Burkina Faso. La sécheresse de 2011 a fait avorter la récolte de céréales provoquant ainsi une crise alimentaire dans toute la région du sahel. Le peu récolté en octobre a pu seulement tenir jusqu’en décembre ou janvier. Et pour survivre, beaucoup ont dû vendre leur bétail ou faire recours à l’aide humanitaire.
« Nous ne voulons plus de charité ; nous avons besoin des solutions sur le long terme : nous voulons des barrages, des infrastructures ; comme ça nous pourrions cultiver les jardins pendant la saison sèche. Moi, quand j’étais jeune, il pleuvait à souhait et la récolte durait toute l’année…mais, regardez maintenant… » S’exclame Boukaré Sawadogo, un ressortissant de Fanka âgé de 75 ans. Fanka est ce village de 4.700 habitants qui a bénéficié du programme CASH FOR WORK, une initiative mise en pratique par différents ONGs pour soulager les populations victimes de crise alimentaire. Intermón-Oxfam a reparti au mois de mai aux familles très vulnérables, une première paie de 25.000 fcfa (38 euros) ; en échange, ces familles devraient prendre soin de leurs propres champs et des chemins qui y mènent.
« Avec cet argent, j’ai acheté un sac de maïs de 100 kg qui m’a coûté 23.000 f. en rationnant beaucoup, nous avons pu manger durant 25 jours…et nous sommes 15 dans la famille… » Nous raconte Suzanne. Ils tuent la fin avec une espèce de raisin très petit (ndlr, sabga en mooré et Kpekun en dioula) et des feuilles de baobab en sauce pour accompagner le tô ; s’il y’ en a.
Et les mangues ? « Ici nous avons seulement des arbres inutiles ; qui ne donnent même pas de fruit… » Nous rétorque Suzanne.
A Fanka, les habitants réclament des infrastructures hydrauliques afin de pouvoir planter les légumes, les fruits, les tubercules et enrichir leur régime de tô. Car même si la pluie se décide d’être généreuse et que les populations aient suffisamment de céréales pour tenir toute l’année, le tô est très déficitaire en protéines, sels minéraux et en vitamines.
« seuls 3% des enfants a une alimentation suffisante et variée; au Burkina Faso, la malnutrition chronique affecte 36% des moins de 5 ans, c’est à dire un million de personnes. Mais malheureusement ce fait n’attire pas l’attention des donateurs parce que c’est moins spectaculaire qu’une famine et cela demande aussi une politique à long terme. C’est un problème dont la résolution prendrait environ 15 ans…” commente Mauro Brero, responsable Nutrition de l’Unicef au Burkina Faso. ces chiffres sont à la limite scandaleux mais il faut dire qu’il y’a eu beaucoup de progrès en comparant avec le pourcentage des années 90 où le taux de malnutris chroniques atteignait 45% des enfants, souligne Brero.
« Il faut un grand changement ; mais c’est le gouvernement qui doit le faire car c’est lui qui doit prendre les mesures afin de garantir l’eau, en construisant des barrages par exemple ». signale Constant Zango, président d’Alliance Technique d’ Assistance au Développement, ONG qui collabore avec Intermón-Oxfam sur le terrain.
La famine que s’apprêtent à vivre une nouvelle fois les burkinabè, est consécutive à la mauvaise campagne agricole de 2011 dans les régions du Nord. En début d’année, le gouvernement a déclaré une situation de crise alimentaire dans l’objectif de mobiliser l’aide internationale. 18 millions de personnes dans le sahel parmi lesquelles 2 millions de burkinabè sont dans un risque avéré de famine. Les ONGs ont fait le relai en diffusant l’information de manière élargie pour obtenir plus de ressources. « au manque de pluie de 2011, il faut ajouter les dommages provoqués par les inondations de 2009: ils n’ont pas eu le temps de récupérer…et voilà que les greniers sont à nouveau vides” note Konaté Papa Sosthène, responsable d’Action Humanitaire de Intermón-Oxfam à Ouagadougou.
« les céréales coûtent chers ! Maintenant le sac de 3 kg de mil coûte 1.000 francs ; le double que l’année dernière » s’exclame Mariam Zamtako, une des vendeuses du marché Kaya. Zamtako tient une minuscule étable de poivrons, d’aubergines et d’ails. Pendant qu’elle attend les clients, elle chasse des mouches particulièrement envahissantes en cet après-midi de fin juin. Son petit enfant de 2 ans l’accompagne pendant que le plus grand de 7 ans, aide son père dans son commerce de céréales.
Et vous, n’avez-vous pas augmenté le prix de vos poivrons ? Noooooonnn ! A combien les vendez-vous ? A 25 francs les cinq pièces Et combien gagnez-vous dans la journée ? Les jours où je retourne avec 500 francs …je suis heureuse.
Article original de Rosa M. BOSCH (LA VANGUARDIA) Traduit de l’espagnol par Roland Zongo Sanou (correspondant en Espagne)
Lefaso.net