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Indépendance : 55 ans après, où sommes-nous ?

Le 5 août 1960, des millions de Burkinabè apprirent l’indépendance de leur pays, la Haute-Volta à l’époque. De vaillants combattants de l’indépendance, victorieux, offraient au Burkina, son intégrité (au sens plein du terme). « Aujourd’hui, 5 août 1960, à zéro heure, au nom du droit naturel de l’homme à la liberté, à l’égalité, à la fraternité, je proclame solennellement l’indépendance de la République de Haute-Volta », déclamait le président Maurice Yaméogo.

Flamme d’espoir et d’enthousiasme ! Fruit d’une lutte de larmes et de sang pour mettre fin à un « humiliant esclavage ». Dès lors, les Burkinabè (hommes, femmes et enfants) venaient d’être invités à se mettre résolument au travail, en vue de créer une vie nationale prospère et épanouie. En clair, il s’agissait, à partir de cet instant, de travailler à assumer pleinement son statut de « pays Indépendant ». Mais, 55 ans après l’accession à l’indépendance, où sommes-nous ?

Il sera rude de dresser un tableau, mais au regard des besoins de base, l’on peut noter que 55 ans après, la principale université du pays « se cherche », égarée avec ses ‘’locataires’’ qui ne savent plus à quel saint se vouer. Les étudiants ont choisi d’y être maintenant par défaut, en attendant la moindre ouverture pour sortir de la merde.

Pendant ce même temps, on apprend que le pays occupe la queue en Afrique en matière d’éducation (pour ne pas dire dans le monde) avec en sus, des réformes dans lesquelles ‘’personne’’ ne semble se retrouver et un niveau d’apprenants de plus en plus bas. A 45 kilomètre seulement au sud de la capitale (là où a été proclamée l’indépendance), des enfants prennent leurs cours sous des paillotes et se voient obligés de partager un table-blanc de deux à quatre. Certains spécialistes parlent même d’« échec total » de la politique de l’Education dans son grand ensemble.
Pourtant, l’on clame à tout moment à travers les discours que le développement national passe inéluctablement par la formation du capital humain.

55 ans après, même nos ministres de la santé (et autres privilégiés de la société) sont ‘’obligés’’ d’aller se soigner ailleurs, tant les centres de santé et hôpitaux manquent d’un minimum pour fonctionner comme il se doit.
55 ans après, c’est le Japon qui nous vient en aide avec des vivres, parce qu’on n’a aucune politique réelle en matière d’agriculture pour assurer, ne serait-ce que l’existentiel.

Même l’eau manque dans les domiciles. Certains citoyens sont obligés de ‘’veiller’’ pour recueillir tard l’eau dans leur robinet. Dans certaines localités du pays, ce sont des bétails (maillon important de l’économie) qui meurent par manque d’eau. Tout simplement parce qu’on brille de par nos imprévoyances et notre manque d’ingéniosité à rendre disponible l’eau, ressource vitale.
55 ans après, avoir l’électricité est permanence chez soi et/ou à son lieu de travail est une exception ; la règle étant les coupures avec leur cortège de conséquences.

Autant de temps après, nous voilà en train de fêter et festoyer la nomination à un poste de ministre ou de directeur général. Tout simplement parce que, pour nous, être ministre, directeur général et autre n’est « lourde responsabilité » que dans le discours. Dans la réalité des faits, c’est plutôt un titre de gloire par lequel on nargue, on fait l’arrogance et on…. C’est la raison pour laquelle, les démissions par devoir d’échec ou d’insuffisance de résultats (par honneur) n’existent pas dans nos mœurs. Mieux, le jour de notre départ du poste, c’est le malheur, la tristesse, la désolation.

5 août 1960 - 5 août 2015, plus d’un demi-siècle après, nos institutions fonctionnent toujours au gré des humeurs avec à la clé, une instabilité chronique doublée d’incohérence dans les domaines de compétence des institutions. On scinde des ministères, on recolle, on répartit, on reconstitue, on « re »sépare. Dans ce désordre institutionnel organisé, des agents, quant à eux, sont perdus. « Où tu veux aller ? Tu vas rester ici ou bien tu vas partir de l’autre côté ? » (parce que leur ministère s’est scindé).

55 ans après, au sein des institutions, des véhicules neufs, chèrement acquis, sont jetés au parking parce qu’une batterie paumée ne demande qu’à être changée simplement. Mais comme solution, on fait en sorte à acquérir de nouveaux véhicules de fonction que de réparer la petite panne.
Donc, 55 ans après la proclamation de l’indépendance, ‘’personne’’ n’est-elle prête, en réalité, à aider ce pays ? On ne s’inspire jamais des bons exemples. On se réfère aux mauvais exemples dans le dessein de mieux servir sa propre personne. Le pays est riche d’exemples, d’expériences et d’acquis mais, malheureusement, ils semblent servir à rien.

Heureusement que 55 ans après, on peut encore être fier et rendre hommage à ces Burkinabè qui, dans les grands centres et les confins du Burkina, ont su porter, défendre et maintenir des valeurs d’intégrité, de dignité, d’honnêteté dans leurs relations avec l’Etat, la Patrie. Ces braves fonctionnaires, par exemple, qui acceptent de servir avec dévouement et loyauté, la Partie partout où le besoin les appelle. Loin parfois de leur famille et dans des conditions difficiles, ces Burkinabè qui n’espèrent à aucune nomination, promotion ou quelconque récompense sont les véritables porteurs de l’esprit de l’indépendance. Ces agents à tous les niveaux de l’administration publique qui, au prix de leur loyauté, bravent l’atmosphère générale entretenue par ceux-là même qui ont décidé d’assassiner leur intégrité pour parvenir à leurs fins. On mesure le sacrifice de ces hommes, quand on sait que marcher sur le chemin de la vérité et de la justesse dans un environnement où tout le monde fait le contraire, est un danger. Victimes de marginalisation parce qu’ils tiennent à défendre les valeurs patriotiques, justes, loyales et intègres. Ceux-là même qui, par exemple, perdent leur poste de DAF (directeur administratif et financier) parce que le ministre leur a ordonné une dépense à laquelle ils ont opposé l’orthodoxie de l’administration, c’est-à-dire le respect des règles dans la gestion de la chose publique.

Bref, loin de méconnaître ce qui peut être retenu comme avancées, nous dirons simplement que 55 ans après… : … voilà-nous !

Oumar L. OUEDRAOGO
Lefaso.net