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Haute Cour de Justice : Une nouvelle équipe pour lutter contre l’impunité au sommet de l’Etat

Les membres de la Haute Cour de Justice ont été officiellement installés ce vendredi, 4 mars 2016 dans la salle d’audience de la Cour de Cassation, à Ouagadougou. Occasion également pour les neuf membres de procéder à la désignation du président et du vice-président de l’institution, occupés respectivement par le député B. Mathieu Ouédraogo et le magistrat de grade exceptionnel, Wambi Daniel Kontogomé.

La Haute Cour de justice est, selon la loi fondamentale, composée de neuf membres (six députés et trois magistrats nommés par le président de la Cour de Cassation). Elle est compétente pour connaître des actes commis par le Président du Faso dans l’exercice de ses fonctions et constitutifs de trahison, d’attentat à la Constitution ou de détournement de deniers publics. Elle est également compétente pour juger les membres du gouvernement en raison des faits qualifiés crimes ou délits commis dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions. Dans tous les autres cas, précise la Constitution, ils demeurent justiciables des juridictions de droit commun et des autres juridictions.

Cependant, elle ne peut s’auto-saisir ; elle doit être saisie par l’Assemblée nationale. La mise en accusation du Président du Faso est votée à la majorité des quatre cinquièmes des voix des députés composant l’Assemblée nationale tandis que pour les membres du gouvernement, c’est la majorité des deux tiers des voix qui est requise.

C’est à cette mission qu’est désormais appelée l’équipe de B. Mathieu Ouédraogo, élu président (seul candidat à se présenter) par huit voix sur les neuf (une abstention). Même résultat pour son vice-président Wambi Daniel Kontogomé (également seul candidat à son poste). Ancien gouverneur, B. Mathieu Ouédraogo est député du MPP tandis que son vice-président est magistrat de grade exceptionnel.

Leur élection à la tête de l’institution a fait suite à la prestation de serment des six membres élus (députés) et leur suppléant.

Désormais soumis au règlement des magistrats (sans cependant être contraints de quitter le champ politique comme les magistrats), les députés membres de la haute Cour doivent juger avec équité, les amis comme les adversaires politiques.

A en croire le Président de la Haute cour de justice, l’institution jouera pleinement son rôle dès que saisie. Elle compte donc dire le droit dans toute sa rigueur et sera respectueuse des délais, des procédures, des droits de la défense, etc.

« En matière de démocratie, les trois pouvoirs, que sont l’exécutif, le législatif et le judiciaire, ont un rôle important à jouer. C’est comme un tricycle, si tous les trois pneus ne sont pas fabriqués de la même façon (s’il y a un pneu en fer, un en terre et un pneu en bois) ça ne marche pas. Le peuple burkinabè a suffisamment exprimé sa soif, sa quête de justice ; donc il y a une forte attente », a mesuré le nouveau président de la Haute cour de justice qui succède ainsi au magistrat de grade exceptionnel, Elisabeth Bado.

Un toilettage à faire pour rendre plus opérationnelle l’institution

Cette cérémonie a été mise à profit par le procureur général de la Cour de Cassation pour féliciter l’équipe sortante et scruter les forces et faiblesses de l’institution judiciaire.

Pour le vice-président de l’équipe sortante, Wilfried Zoundi, membre du Conseil national de la transition, il y a eu des acquis. « Lorsque nous sommes arrivés, la loi organique portant organisation de la haute Cour de justice était une loi qui ne permettait pas à la Cour même de fonctionner ; c’était une institution de façade, qui ne pouvait pas exercer concrètement. Donc, notre premier combat, c’était de réviser les textes pour les rendre applicables, et grâce au travail fait, cette Haute Cour de justice est actuellement opérationnelle. C’est ce qu’a d’ailleurs salué ici le Procureur général de la Cour ainsi que le président entrant. Nous avons donc tracé les sillons », a dressé M. Zoundi.

Il reconnaît cependant que le rôle de l’équipe sortante n’a pas été parfait ; d’autant plus que certaines précisions méritent d’être faites pour permettre à la Cour de répondre véritablement à sa vocation. C’est le cas par exemple, illustre-t-il, avec la nation de « haute trahison » qui n’est pas clairement définie par les textes. Il en a de même pour l’« attentat à la Constitution », la constitution de la partie civile, etc. A ces aspects, faut-il ajouter le rattachement du budget de la Cour à celui de l’Assemblée nationale.

Le vice-président sortant de la Haute Cour de Justice, Wilfried Zoundi, dit donc espérer que la nouvelle équipe va prendre des mesures pour remédier à ces insuffisances afin de permettre à l’institution de répondre de façon efficace aux attentes.

A la fin de son mandat, M. Zoundi tire l’enseignement selon lequel, le fonctionnement d’une institution judicaire dépend de la volonté politique des acteurs du moment ; il faut de la volonté politique.

Oumar L. OUEDRAOGO
Lefaso.net