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100 jours du Président Roch Kaboré : Le chef de file de l’opposition à la charge
 
Après la majorité présidentielle et des organisations de la société civile, c’est au tour de l’opposition politique de donner sa lecture sur les 100 jours du nouveau régime.Et au bout d’un diagnostic, Zéphirin Diabré et ses « camarades », regroupés autour du Chef de file de l’opposition politique au Burkina Faso (CFOP-BF) sont sans équivoque : le MPP s’est très bien préparé à conquérir le pouvoir mais ne s’est pas préparé à le gérer. Pour l’opposition, le « nouveau-ancien » pouvoir ne pourra pas apporter du nouveau dans la gouvernance. Situation scrutée au cours d’une conférence de presse tenue ce mardi, 12 avril 2016 au siège provisoire de l’institution sis au quartier Patte d’oie. 

« Hésitations et tâtonnements ». C’est le titre du mémorandum autour duquel, le premier responsable du CFOP-BF, Zéphirin Diabré, et la vingtaine de ses collaborateurs constitués des responsables des partis et formations politiques affiliés à l’institution, ont ausculté les 100 jours du régime du Président Roch Kaboré. Ce document fait, dans une première partie, une « autopsie du nouveau régime » et scrute en second lieu, le « travail de l’exécutif » pendant ces trois mois.

Mais avant d’entrer dans le vif des échanges, Zéphirin Diabré a tenu à préciser à l’intention de ceux qui pourraient être, suite aux critiques des actions du pouvoir, tentés de demander des contre-propositions de l’opposition : « j’ai été candidat à la Présidence du Faso, mon parti a mis en place un programme, qu’on a mis à la disposition des Burkinabè. En lisant ce programme, cela montre qu’on n’est pas absent d’idées et tous ceux qui étaient candidats à la Présidentielle avaient un programme qui décline des réponses sur toutes les préoccupations qui concernent la vie nationale. En ce qui me concerne, et comparativement à ceux qui sont au pouvoir, le programme que j’ai présenté était chiffré et l’origine des Fonds a été dite ». Dans le même esprit, « Zèph. » a souligné que son institution n’est pas là pour faire des éloges de quelqu’un qui travaille et qui est son opposant politique. « En tant qu’opposant, nous, nous regardons les aspects qui n’ont pas marché. Ce n’est pas notre rôle d’aller commenter des succès qui sont ici ou là », a-t-il relevé.

Passés ces salamalecs, les conférenciers vont camper le décor en déclarant : « Ce nouveau régime repose sur trois personnalités. Ce sont : le Président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, le Président de l’Assemblée nationale, Salif Diallo, et le ministre d’Etat, Simon Compaoré, purs produits du système de Blaise Compaoré, auprès de qui ils ont joué les apprentis-sorciers presque pendant trois décennies. Autour d’elles, le MPP s’est constitué en recrutant tout simplement et massivement les cadres administratifs et politiques qui ont animé le CDP et le pouvoir d’Etat sous l’ancien régime. En changeant de camp, ceux-ci ont emporté avec eux, toutes les mauvaises pratiques qui avaient été tant décriées ».

Puis, au chef de file de l’opposition, Zéphirin Diabré, de repartir à la formation du gouvernement au sujet de laquelle, il va déplorer la lenteur dans la mise en place de l’équipe exécutive alors même que les besoins sont urgents. « Le temps mis à désigner le Premier ministre et à former le gouvernement, surtout la cacophonie qui a entouré ces choix est quelque chose d’inédit sous la IVème République. La même lenteur s’est déportée au niveau du fonctionnement des ministères. Installé en janvier, le gouvernement annonce gaillardement de la bouche même de son porte-parole, qu’il commencerait à travailler à compter du 1er mars 2016 ! Que Diable faisait-il jusque-là ? », ont scruté les partis de l’opposition. Ils prennent aux mots le MPP qui, selon eux, s’est toujours vanté pourtant d’être un parti où militent des cadres d’expériences, fins connaisseurs des dossiers et rompus aux arcanes administratives. Ils rappellent également que le candidat Roch Kaboré avait, dans cette lancée, fait la promesse d’un gouvernement de compétences aptes à relancer la machine dès le lendemain de son élection.

Outre ce constat, l‘opposition note également dans son autopsie, que le pouvoir actuel est en train de « faire du neuf avec du vieux » et s’est entouré d’une majorité focalisée plus sur les intérêts que sur la conviction politique. Le CFOP-BF note en outre une « discorde et des divergences idéologiques » et une volonté de prendre la transition comme un bouc émissaire pour justifier son incapacité à proposer des solutions rapides aux problèmes des Burkinabè.

De l’analyse sectorielle du travail gouvernemental, Zéphirin Diabré et ses « camarades » font ressortir qu’aux plans de la justice et de la lutte contre la corruption et l’impunité par exemple, les jugements sur les dossiers de crimes de sang et économiques étaient les thèmes de campagne du pouvoir actuel, fustigeant le clan Compaoré et l’accusant d’en être le principal instigateur. « Une fois installées, les nouvelles autorités, dont des membres sont cités dans certains dossiers, ne semblent plus pressés », défient-ils.

Sur la sécurité, le CFOP-BF affirme que la formation tardive du gouvernement a mis à mal le système sécuritaire du pays, déjà fragilisé. Selon l’opposition, le cafouillage au sommet de l’Etat lors des attentats de janvier dernier atteste bien ce désordre. Tout en félicitant la « bravoure » des Forces de défense et de sécurité, les conférenciers disent réitérer l’urgence à créer un ministère plein dédié à la sécurité.

L’opposition et les propos de Salif Diallo !

La conférence de presse a également été mise à profit pour réagir aux propos du président par intérim du MPP qui, lors de la rencontre de la majorité avait affirmé que le pays serait en guerre civile si c’était certaines personnes qui avaient été élues à la place de Roch Kabré. « D’abord, nous déplorons que quelqu’un qui occupe les fonctions qui sont les siennes, ne puisse pas, quand même, de temps en temps, contrôler son langage. Il est Président de l’Assemblée nationale du Burkina, il est dauphin constitutionnel, donc ça demande une certaine retenue. Pour surtout l’image du pays, ce n’est pas bon que les gens à ce niveau de responsabilité tiennent ce genre de propos, parce que ça va très loin. Et dans un pays qui aspire à la paix, c’est important de le souligner et de le rappeler. Mais, il y a autre chose,… il a raison, et même très raison : parce que le MPP s’était préparé pour qu’au cas où il n’avait pas le pouvoir, le pays sombre dans une guerre civile. Et c’est ce qu’il vient de révéler. A l’époque, quand on a porté les accusations, certains ont dit que ce sont de fausses accusations. Il vient maintenant de confirmer que le MPP s’était préparé pour que dans l’hypothèse où ce n’était pas eux qui étaient proclamés, le pays entrait dans une période de guerre civile. Ça donne l’idée de la nature des individus que nous avons en face », a fustigé Zéphirin Diabré.
Et dans le même esprit, Jean-Hubert Bazié de la « Convergence de l’espoir » s’est insurgé contre les propos du Président de l’Assemblée nationale appelant à ne pas écouter les « mauvais perdants » des présidentielle et législatives qui ont prédit l’échec dès le lendemain de l’élection du Président. « Ça veut dire quoi ? Je faisais partie de la délégation qui est partie avec le président Zéphirin Diabré pour féliciter le Président Roch avant même la proclamation des résultats. Et beaucoup de personnalités ont félicité son initiative. Peut-être que cette initiative ne plaisait pas au loup qui voulait manger la chèvre ! Je pense qu’il y a un esprit particulier qu’il faut bannir de ce pays : le totalitarisme ne convient pas à notre pays ; chacun s’exprime comme il peut, avec honnêteté, avec rigueur. Ce n’est pas parce qu’on critique qu’on est un paria et qu’on doit être exclu de la société ! Ce n’est pas normal ! Le pluralisme est institué dans notre pays et la Constitution le permet. Ceux qui pensent à un parti unique, à une voix unique, je pense que la période des grands timoniers est dépassée. Ceux qui sont allergiques à la critique et qui veulent à tout moment diaboliser l’approche critique ne rendent pas service à ce pays. Il y en a qui ont plus de vingt ans d’expérience, mais c’est une expérience négative, mauvaise, qui empoisonne le pays et qui peut amener le pays à la dérive. L’expérience n’est pas une valeur absolue, c’est la qualité de l’expérience qui doit retenir l’attention », a martelé M. Bazié, soutenu dans ses propos par Victorien Tougouma du MAP pour qui, « contrairement à Salif Diallo, nous ne serons pas là pour jeter de l’huile sur le feu parce que, nous aimons bien ce pays. Et nous faisons la politique pour faire avancer le pays ».

Quid des « deals de parcelles » ?

Sur l’actualité relative notamment aux « deals de parcelles », l’opposition s’est montrée ‘’réservée’’. Pour Zéphirin Diabré, il faut être très prudent à tout ce qui touche à des individus pour ne pas tomber dans des déclarations qui consistent à salir l’image de gens. De son avis, il y a des institutions aptes à faire la lumière sur de telles questions. ‘’ Il y a des audits qui sont en cours, on dit même qu’ils sont plus ou moins achevés ; attendons d’abord de voir les conclusions de ces audits et ensuite, on va aviser. Mais, si on commence à critiquer des individus, ce n’est pas une bonne chose ; il faut prendre les gens sur la base des fautes qu’ils ont commises’’, a soutenu le chef de file de l’opposition. Le CFOP-BF, qui affirme ne défendre personne, fait cependant remarquer que le MPP et tous les partis de sa majorité (mis à part le NTD), ayant été au gouvernement et au Conseil national de Transition, sont co-responsables des insuffisances de gestion. Et au sujet de ces parcelles, le CFOP-BF estime que si des éléments incriminant des personnalités de la Transition existent, le gouvernement doit les publier et procéder à leur mise en accusation. « Autrement, c’est souiller leur honneur par des rumeurs », ont-ils averti.

De leur diagnostic, les membres du CFOP-BF sont arrivés à la conclusion que les Burkinabè, en s’insurgeant contre le pouvoir de Blaise Compaoré en octobre 2014, aspiraient à voir autre chose. Malheureusement, « ils ont le sentiment désagréable que le vrai changement qu’ils espéraient n’est pas au rendez-vous ». Et pour Achille Marie-Joseph Tapsoba, président par intérim du CDP, l’analyse de l’opposition a consisté à apprécier les signaux forts que le pouvoir a donnés dans la résolution globale des problèmes essentiels des Burkinabè. « Et ces signaux sont-ils des signaux capables de susciter l’espoir ou sont-ils de faux signaux ? Ce que nous avons dit est clair : c’est du vieux qu’on veut revêtir d’une peau neuve ; ce qui est une préoccupation pour les Burkinabè de savoir où se trouve la nouveauté », a précisé le président de l’ancien parti au pouvoir, M. Tapsoba.

D’où la conclusion de Me Gilbert Noël Ouédraogo, président de l’ADF/RDA : « Nous-mêmes, nous avons été surpris par les hésitations et le tâtonnements au regard des 26 ans passés au pouvoir. Mais à la réflexion, on a le sentiment qu’avec ces 26 ans d’accompagnement du Président Compaoré, ils ont donné tout ce qu’ils avaient ».

Oumar L. OUEDRAOGO
(oumarpro226@gmail.com)
Lefaso.net